lundi 22 mars 2010

Allons-y, alors. (1)

C'était vraiment de la merde. M'arrêter dans un bar, après tout ce temps et vu la situation, c'était vraiment de la merde. Mais j'avais pas le choix : encore deux heures et quelques à attendre, pour un plan foireux, du genre aider un ami qui se met lui même dans une sale situation. Mais après tout, pour l'avoir fait pendant douze ans, on aime bien avoir des gens avec nous, dans ces cas-là ; alors j'l'ai pas laissé tomber, pour une fois.

Maintenant, le problème était pas si grand que ca : pas spécialement plus envie de boire que la dernière année écoulée, bien dormi la nuit dernière, j'me sentais pas du tout de picoler quoi que ce soit d'alcoolisé. Juste de me trouver dans ce bar merdique, avec deux trois vieux parsemés autour du comptoir, toussant, reniflant, picolant à intervalles irréguliers, maugréant en lisant le journal à disposition, tournant au gré du populisme des articles, glanant des réactions toujours plus outrées.
C'est tout ça, que j'aimais pas, cette ambiance avec du bleu blanc rouge, ces gens détestant les sales fumeurs de joint alors qu'ils sont pétés dès neuf heure du matin. Ces gens déversant des litres de vomi sur les jeunes au volant, clouant au pilori des inconscients, alors que dans quelques heures, après une bonne série de cannons, ils allaient monter dans leur caisse, et partir bourré comme des coins, finalement, bien plus que pas mal de monde sur les routes à ce moment.
Bah, les vieux...

J'attendais depuis déjà une bonne heure, mais j'voulais être en avance. C'est marrant, je dis depuis quelques temps que ce monde a un soucis de valeurs, et j'avais mis de coté un paquet de trucs importants pour partir avec Ben. On allait finalement partir en Belgique, "mmh euh... payer des puteuh..", prononcé d'une toute petite voix, caricaturalement honteuse, avec un petit sourire, parce que ça fait marrer, quand même. Ouais, et on allait se péter le crane aussi. J'avais réussi à mettre la main sur une quantité suffisante d'herbe pour passer une nuit dépravée dans les règles de l'art, si on y ajoutait les prévisions d'activités une fois sur place.

Y'avait comme un besoin commun de ce genre de soirées ; vous savez, genre celles où boire plus que de raison n'est que le début, avec les souvenirs de la veille racontés au réveil par les potes, parce que vous ne vous souvenez pas non, d'avoir été à poil en train d'insulter une dizaine de gendarmes qui vous ont finalement laissé partir. Ce genre de soirée, quoi. Pour le coup, et pour ma part, ça n'allait pas arriver.

Et il est rentré, en faisant pas forcément beaucoup de bruit ; mais par contre, il avait un quelque chose que l'on pourrait traduire rapidement par "purée, lui, on le remarque quand il rentre". Non, pas Ben, un mec, la trentaine passée, pas trop mal sapé, avec toute la prestance qui dégage de l'assurance par flots entiers. Peut être un peu trop même. Un petit bonjour rapide et assuré, et il s'assoit, à quelques mètres, en face. C'est à ce moment là que mon portable sonne, c'est Ben.

Ben, ce qui est génial, c'est qu'on peut compter sur lui. Une fiabilité quasi parfaite, comme dirait l'autre. S'il vous assure qu'il sera en slip sous votre fenêtre pour jouer de la mandoline, vous pouvez vous y attendre sans problème. Si la vie était une entreprise, faire des trucs de dingue serait son fond de commerce.

"mec, j'suis la dans 5 minutes ! j'me suis juste arrêté prendre de quoi boire, bon, j'ai pas abusé, je sais que je serai tout seul à boire et..."
Oui, c'est vrai. Il sera seul à picoler. C'est génial, parce que je sais que je peux compter sur lui à ce niveau d'une certaine manière. En fait, il me laisserait déconner si je devais boire de l'alcool à nouveau, et encore j'en suis pas forcément sur, mais, ce dont je suis sur, c'est que je prendrais très cher, et à tous les niveaux. Autrement dit, c'est comme ça, et il faut même pas imaginer un autrement. J'adore.

Le temps de tuer le café en une gorgée, mettre une clope au bec, et je me lève, pour payer et partir. C'est à ce moment que, dans le mouvement et sans volonté particulière, je regarde à la volée le mec rentré plus tôt.

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