mercredi 23 décembre 2009

Obligations

Obligation

- "Beh... t'es pas obligé d'le boire !"

C'était pourtant simple. Mais incroyablement nouveau, d'un coup, l'espace d'un éclair, qui matérialisait la compréhension soudaine du sens de cette phrase.
Et finalement, cela apparaissait comme une évidence.

Je n'étais pas obligé.

Je me tenais là, dans ce petit chemin duquel on a failli faire partir les incendies les pires que l'Oise ait connu, comprenant enfin quelque chose : je n'étais pas obligé de boire. Ni ce verre, ni tout court d'ailleurs.

La journée fut chargée. Je devais rencontrer un joli pti bout de demoiselle. Autant dire que vu la situation sociale, morale et professionnelle dans laquelle j'me trouvais, c'était carrément un miracle de déjà décrocher un rendez-vous quelquonque.

Je galérais dans un petit cybercafé de campagne, équipé quand même d'une connexion assez conséquente pour l'utilisation finale, et des quelques ordinateurs dépassés, tournant dans un bruit de ventilo fatigué à longueur de journée.
Les journées s'écoulaient entre café, bières, dépannage d'ordinateurs et bidouillages divers. A vrai dire, avec le recul, on aurait pu prendre cette situation comme une cure de réhabilitation à avoir une vie sociale. Les gens étaient tellement... compréhensif, même dans le pire de mes états, que c'était, vu la situation générale, un plaisir d'y aller. Un plaisir d'aller bosser, oui !

J'étais assez fébril ce jour là. Du peu que j'en savais, c'était une fille cultivée, vous savez avec ce petit coté fin, qui vous dit que ca cogite, et d'une manière qui vous plait. Foutrement mignone sur photo, je m'imaginais pas mal de choses, pas forcément scabreuses, vu les bières qui s'accumulaient et mon esprit s'embrumant des divers oinjs qui rythmèrent l'après-midi.

J'étais défoncé à la race avant même qu'elle arrive. D'ailleurs, même dans cet état particulièrement avancé, j'ai réussi à quasiment bien gérer l'heure d'arrivée et ce qui va avec. Un miracle, à l'époque. Mais pourtant, au fond de moi, j'étais plein d'espoirs : que ce soit celle qui, enfin, me sortirait de la merde dans laquelle je m'enfoncais tout seul. Me ferait enfin comprendre ce que je savais, mais que je comprenais pas, me ferait enfin prendre un chemin... pas forcément le meilleur. Mais au moins un vivable, calme, et qui fait du bien autour de soi. Les mots étaient pas mis sur la situation à l'époque, mais j'le vois maintenant.

Et puis... elle est arrivée. Bon sang, les photos c'est vraiment de la merde, rien ne vaut le vrai, le visible.
J'avais préparé, tout content, une teille de whisky et quelques trucs à manger, qui me font halluciner de mauvaise gestion maintenant.
C'était incroyable d'avoir réussi à acheter à manger, d'avoir pensé à le prendre et géré le budget en fonction. Y'avait vraiment des odeurs de changements alentours, mais ca n'a pas fait tilt de suite. Dommage. Vraiment dommage.

Et puis la, donc, finalement, on se retrouve dans la ville des galères, dans un chemin de terre, à commencer à préparer un feu qui marche rapidement très bien.
Et je commence à servir les whisky, déjà passablement enchainé à un état quasi déplorable, à la limite ténue en fait du déchiré marrant et du relou.
Je me suis senti de le faire remarquer, sur le coup, avec un ton volontairement éméché :

- " oh putain... ca risque de faire trop là j'devrais pas boire celui la..."

- " Beh, t'es pas obligé d'le boire !"

Mais bien sur. Eh, mais ouais. C'est vrai.

J'ai donc jeté le verre. Partez pas, c'est vrai.
Pour la première fois de ma vie, n'étant pas à quatre pattes, j'ai jeté un verre afin de ne pas le boire, et de ne pas boire ce soir là tout court.

J'ai pas compris, sur le moment. J'avais pas prévu, ce qui en suivrait. Mais, maintenant, je sais que ce moment a changé ma vie.

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